Jennifer Ismaël Vinyasa Spirit promo 2019/2020
Lorsque l’on évoque le yoga, bien souvent, pour les débutants ou les non pratiquants, cela se limite à la plus connue de ses 8 étapes : les asanas (Postures) Mais lorsque l’on prend le temps de s’y intéresser, le Yoga c’est bien plus que des asanas, le yoga c’est l’union du corps, de l’esprit, du souffle et de l’âme.
Dans son célèbre ouvrage datant du 5ème siècle ” Les Yoga Sutras ” le sage Patanjali décrit les 8 grandes pratiques yoguiques externes et internes, menant à l’expérimentation personnelle de notre véritable nature : les Yamas (règles de conduite personnelles), les Niyamas(règles de conduite sociales), les Asanas (postures), les Pranayamas (respirations énergétiques), Pratyara (retrait des sens), Dharana (Concentration), Dyana (méditation) et Samadhi (supra- conscience).
Illustration : Terresage.net
Le but de ses pratiques est de guider les Yogis avec une conduite morale, éthique tout en les maintenant dans une forme physique conscients des aspects spirituels de la nature humaine.
Parmi les Yamas, on retrouve Ahimsa (non-violence), Satya (la vérité), Asteya (l’honnêté, le non vol), Brahmacharya (l’abstinence ou le sexe raisonnable) et Aparigraha (non convoitise)
C’est à ce dernier yamas, Aparigraha que nous nous intéresserons spécifiquement aujourd’hui.
Dans notre monde occidental, la possession matérielle ou immatérielle est une évidence depuis l’enfance. La majorité d’entre nous a été élevé dans le confort matériel. Quel parent ne souhaite pas que son enfant ne manque de rien ? Les objets matériels apportent protection, sécurité, paix et amour… nous en devenons donc dépendant progressivement…
et comme toute dépendance, plus nous en avons, plus nous en voulons. Nos parent n’avaient-ils pas faux sur toute la ligne ?
APARIGRAHA est un mot sanskrit qui se décompose ainsi : «graha» qui signifie «agripper» ou «prendre», «pari» qui signifie de tous les côtés et enfin le «a» qui annule son sens premier par la négation. Nous arrivons ainsi au sens littéral « ne pas tout prendre ».
Aparigraha, se rapporte à l’aphorisme II-39 des Yoga Sutra :
Aparigraha = désintérêt face à la possession, absence d’avidité Sthairya = fermeté, solidité, permanence, persévérance Janman = naissance, origine
Kathamta = le pourquoi
Sambodhah = fait d’être éveillé, connaissance
Dans un monde où posséder vient avant aimer, et où le sur- consumérisme, le matérialisme règnent, comment ce Yamas, peut-il être appliqué et cultivé par nous, yogis du 21e siècle, dans notre vie, nos relations et notre tapis ? Pouvons- nous réellement nous détacher de nos possessions pour être heureux et atteindre le Kaivala, le chemin vers la libération, but ultime du Yoga.
Le principe de non-possession nous pousse à nous interroger sur notre façon de consommer, et plus généralement nous questionner sur notre besoin de posséder. Nos achats sont souvent impulsifs ou influencés par les autres.
Croire que le nouvel objet que nous achetons nous apportera le bonheur est basé sur un sentiment de manque, se traduisant par « si je n’ai pas cet objet cela signifie que je ne suis pas assez bien » ou « sans cet objet je ne suis pas accompli, voire incomplet »
Cela s’applique sur des objets du quotidien : chaussures, tapis de yoga mais aussi la nourriture.
Avec une population mondiale d’environs 7, 7 milliards de personnes* la demande de nourriture est en continuelle augmentation, pourtant plus de 8 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim chaque jour*. Le gaspillage lui atteint 30% à 50% de la nourriture produite dans le monde équivalent à 2 milliards de tonnes. Triste constat non ?
Pour mieux percevoir Aparigraha, il faut imaginer que, plus nous accumulons des biens matériels, plus nous nous
alourdissons de bagages non seulement physiques, mais aussi émotionnels et énergétiques. Notre attache à ses choses engendre la crainte de les perdre et, comme nous ne souhaitons pas les perdre, nous les gardons, collectionnons, rachetons…un cercle vicieux qui ne s’arrête jamais.
Décider d’avoir une vie moins encombrée c’est peut-être commencer par s’alléger matériellement, par des choses simples, en revendant ou donnant les objets dont nous n’avons pas ou plus besoin (besoins vitaux ou existentiels).
En somme, la prochaine fois que vous ressentez le besoin d’acheter quelque chose de nouveau, prenez le temps de réfléchir à la raison pour laquelle vous en avez tant besoin, posez-vous la question « cet objet m’apportera-t-il bonheur durable dans ma vie ? »
L’objectif : Parvenir à voir la vérité que nous serons toujours heureux ou accompli quoi qu’il arrive et que, suivre l’Aparigraha dans notre vie, nous fera économiser de beaucoup d’énergie, et dépenser moins d’argent.
La vie professionnelle, est une situation où Aparigraha aurait toute sa place. Vous venez trouver le poste de vos rêves, où vous débutez dans une entreprise. On commence par vous confier un ou deux projets, mais vous en voulez trois de plus, par besoin de reconnaissance de votre manager, pour un statut social plus important, pour épater le directeur ou pour détrôner le collègue qui récolte les récompenses par le fruit de son travail, et au prix de sacrifices dont vous n’avez même pas conscience…mais vous dans tout çà où vous situez-vous ?
Peut-être avez-vous l’esprit compétitif, êtes-vous carriériste et dans ce cas si vous êtes en accord avec vous c’est correct pas de jugement mais vous n’êtes pas dans Aparigraha
Mais si vous en souffrez, si vous êtes épuisé, à la limite du Burn-Out, pourquoi ne pas lever le pied, déléguer, et accepter d’avoir une charge de travail moins élevée et faire mieux.
Être dans Aparigraha, c’est apprécier les opportunités en mesurant la charge de travail pour ne pas se mettre en danger, mentalement et physiquement. C’est être libre de travailler et de faire ce que nous aimons sans nous soucier du résultat final, sans stress.
Pour aller plus loin, penchons-nous sur Aparigraha dans notre pratique, sur le tapis.
Les livres, les vidéos et même nos professeurs de yoga, nous recommandent d’établir notre intention avant de pratiquer, l’esprit le plus paisible et le plus libre possible
Mais en réalité, il arrive souvent qu’au bout de quelques minutes, notre esprit se distrait, nous perdons notre intention de départ de vue. Pourquoi ?
Parce que nous commençons à convoiter nos pairs en nous disant, « j’aimerai avoir sa souplesse » « Ce tapis est magnifique, j’achèterai bien le même ». Nous perdons donc notre connexion à notre intention à notre ce moment présent.
Quelques fois, cette cupidité peut nous mettre en danger sur le tapis. Les postures impressionnantes réalisées par les autres yogis sur Instagram, nous poussent à vouloir tenter ce que notre corps ne peut ou n’est pas prêt à faire. C’est là que la non convoitise entre en jeu et change la donne. Vivre sa pratique pour soi, et en soi, être prêt à abandonner nos peurs, nos idées préconçues, et arrêter envier les expériences des autres, c’est une forme d’application d’Aparigraha sur le tapis et dans nos relations avec les autres.
Les sentiments, les relations humaines et la non possession…
Le bonheur, la joie et la paix sont des émotions importantes à ressentir, tout comme la tristesse, la colère et la perte. Ne vivre que les bonnes choses, c’est vivre seulement la moitié de ce que la vie a à offrir, disait les anciens.
Vivre sa vie sans s’attacher aux autres est sans doute le plus compliqué dans Aparigraha. Une mère sera toujours attachée à ses enfants, une épouse à son compagnon, une sœur à son frère. Le pronom possessif « son » « sa » prend sa place naturellement.
Aparigraha, dans un sens moins littéral voudrait dire, ne pas créer d’attachement avec quiconque, y compris ses proches. Pour être honnête, cela est impossible, les relations humaines sont complexes mais essentielles. Cet attachement pourrait clairement sauver l’humanité s’il était basé sur la sincérité et l’équilibre
Pour suivre, ce cinquième Yama dans nos relations, il faudra simplement appliquer un principe d’équilibre : ni trop ni pas assez.
Cela peut être par exemple, oublier que son bonheur sera déterminé par ce que l’autre pense.
En ne laissant pas ses passions et ses rêves tombés pour un autre et réciproquement, accepter que nos proches partent pour construire leur vie sans souffrir, éviter la jalousie, la possessivité, le manque de confiance en soi ou aux autres et surtout oublier la dépendance aux autres qui nous plonge dans une profonde tristesse au moment où tout va mal.
Vivre pleinement ce sentiment de non-attachement, c’est un peu comme s’initier à l’art du lâcher prise de l’esprit et du cœur, c’est apprendre à aimer sans étouffer, sans posséder, sans envier. C’est peut-être le début d’une certaine forme de liberté.
Le mot liberté revient souvent quand on vit dans Aparigraha, la liberté de compter moins sur des possessions extérieures et matérielles pour nous apporter le bonheur, la liberté de faire l’expérience de tout ce que la vie a à offrir, quelle qu’elle soit.
Tentez à votre tour de voir ce qu’il se passe lorsque vous appliquez ce yama à votre vie, que se passe-t-il lorsque vous vous laissez aller?
En créant un sentiment de paix, une grande liberté nous envahit, et nous rend essentiellement plus heureux.
…Alors vivons dans une attitude détachée…
Jennifer Ismaël
Formation Vinyasa spirit France Aparigraha / Octobre 2019