Aparigraha.
Qu’est ce que c’est ?
Pour comprendre la notion d’Aparigraha, il faut s’intéresser à la première des huit branches philosophiques du yoga : les Yamas.

Aparigraha, est un des cinq yamas.

Littéralement, il représente le renoncement à la fortune. (le « a » privatif et parigraha : propriétés, biens).

Plus largement, nous pouvons également l’exprimer par la « non possessivité » ou encore par la « non convoitise ». Ce concept invite donc à cultiver un certain lâcher-prise. À nous détacher du superficiel et du matériel pour tendre vers la liberté.

À son sujet Patanjali écrit : « Il faut savoir lâcher, pour vivre au niveau de l’être et non de l’avoir. Lâcher ce qui attache, ce qui immobilise, ce qui empêche de glisser avec le mouvement même de la vie ».

1. Yamas : Règles de vie communauté

2. Niyamas: Règles d’éthique personnelle

Ahimsa Non-violence
Satya Vérité
Asteya Ne pas voler
Bramhacharya Continence énergétique
APARIGRAHA Non convoitise C’est lui qui nous intéresse !

Saucha Propreté
Santosha Contentement
Tapas Rigueur
Svadyaya Connaissance des textes sacrés
Shvarapranidhana Abandon à Dieu / à l’univers

3. Asana : Postures

4. Pranayama : Contrôle du souffle vital

5. Pratyahara : Retrait des sens

6. Dharana : Concentration

7. Dhyana : Etat méditatif

8. Samadi : L’aboutissement

Yoga & féminisme
Il pourrait être intéressant de faire le parallèle entre yoga et féminisme.
Pourquoi ? Car selon moi, la philosophie enseignée par Patanjali participe
à faire évoluer l’humain d’une manière positive. Avec la pratique du Yoga,
nous pouvons être amenés à nous poser bon nombre de questions qui
vont nous aider à nous recentrer, à nous rapprocher de notre vérité
propre.
Qui suis-je au fond ? Quelles sont mes vraies envies ? Quelles sont les
choses qui me rendent heureuse ? Mais aussi, quelles sont mes peurs,
mes frustrations et les autres raisons qui m’empêchent d’être pleinement
moi ? sont autant de questions qui nous aident, pas à pas, à gagner en
liberté.
Toutefois, l’envie d’être à la pointe avec le dernier Iphone, d’accumuler les derniers vêtements ou accessoires à la mode, se détourner du moment présent pour prendre la photo de vacances qui fera le plus de likes sur les réseaux, sont autant de facteurs qui nous éloignent de notre vérité et donc, de notre liberté.
En tant que femme, d’autres facteurs et automatismes, souvent intégrés inconsciemment, nous en éloignent également. Se comparer, se dévaloriser, trouver les autres femmes plus belles, plus fortes, baver devant les corps parfaits des magazines, s’affamer pour leur ressembler, juger ses sœurs, collègues, amies bref, manquer de bienveillance avec les autres femmes et surtout envers soi.
Selon moi, la notion d’Aparigraha, appliquée dans ce cas précis, nous invite à lâcher prise, à nous séparer de ce genre de pensées limitantes et par conséquent à encourager la sororité. Une notion clé de la lutte féministe.

D’où viennent les rivalités entre femmes ?

Pour comprendre comment le yoga peut être un allié de la lutte féministe, et
encourager la société vers un modèle plus égalitaire, il est intéressant de
comprendre les mécanismes sociétaux qui nous poussent à envisager les
autres femmes comme nos rivales. Nous vivons dans une société patriarcale
et capitaliste, deux notions clés historiques qu’il serait difficile d’aborder dans
leur exhaustivité ici. Pour faire simple, depuis des siècles, les femmes doivent
lutter contre la domination masculine. Historiquement le capitalisme, de son
côté, invisibilisait les femmes en même temps qu’il les rendait indispensables.
Peu nombreuses sur le marché du travail à cette époque, le travail
domestique n’était pas reconnu alors qu’il participait clairement à l’expansion
de capital réalisé par les hommes dans la « sphère publique ». Avec le
développement du capitalisme, on a aussi assisté au développement de la
publicité et avec elle son lot de réjouissances : hyper sexualisation des
femmes, incitation aux produits de beauté, vêtements, régimes etc. Tout cela
dans un but inconscient chez les femmes : se soumettre au désir de
l’homme. C’est pour cela que dès le plus jeune âge on a tendance à se
dévaloriser, à se comparer, à vouloir être la plus jolie, la plus intelligente, à
être sage et puis surtout à ne pas sortir du cadre que la société nous impose.
En bref, à travers bien des rouages de cette société, nous avons appris
malgré nous à continuellement douter de nous et donc, apprécier notre
valeur en nous comparant les unes avec les autres.

Jalousie
On se compare les unes aux autres, on se jalouse. On voit chez les autres tout ce que nous n’avons pas et ce que nous aimerions avoir. On nous impose des modèles féminins irréalisables pour nous pousser à tout faire, tout acheter pour leur ressembler : maquillage, vêtements, nouveaux régimes, super technique d’épilation etc.
Pour ne rien arranger, l’avènement des réseaux sociaux ces quinze dernières années, nous a offert de nouveaux biais de comparaison. On ne se compare plus seulement aux mannequins ou aux stars de cinéma. Non, maintenant on se compare à des gens presque comme nous, mais dont la vie à l’air dix fois plus géniale : les influenceurs-seuses. On se compare même à nos ami(e)s, nos collègues, notre famille. Comme si l’appréciation de notre valeur n’était pas déjà soumise à une tonne de critères, on lui ajoute la course au likes et aux contenus « cool ».

 

Et le yoga dans tout ça ?
Le yoga n’échappe pas aux points cités précédemment. La discipline s’est
énormément popularisée ces vingt dernières années : plus de 2,4 millions de
pratiquant en France en 2019 dont 80% sont des femmes. Il n’est donc
pas étonnant de voir les comptes de « Yogis » fleurir sur les réseaux sociaux.
Pas étonnant non plus que ce milieu, pourtant orienté vers la bienveillance et
l’acceptation de soi génère les même peurs et doutes chez les femmes que
pour d’autres sujets. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre certaines
personnes complexer ou angoisser à l’idée de faire du yoga par peur « d’être
la plus nulle, la plus grosse, la moins souple, la plus vieille ».
Même si les moeurs changent et que l’on voit de plus en plus de diversité au
sein des pratiquant(e)s ou des marques de Yoga, l’image de la « yogini »
reste celle d’une femme blanche, au physique plutôt filiforme et musclé et
enchainant des asanas plus impressionnants les uns que les autres.

Et si on arrêtait de se comparer ?
Pour commencer je vous propose de tordre le cou aux idées reçues sur le
yoga citées dans le paragraphe précédent. Ci-dessous 10 femmes
inspirantes, qui pratiquent le yoga et que j’aime suivre sur Instagram. Toutes
ont leur univers bien à elles, toutes sont différentes. Preuve qu’il y a de
la place pour tout le monde et que chacun a son propre chemin.
Leur point commun : un contenu qui n’invite pas à la comparaison, aux
injonctions à être la plus belle, la plus souple etc. juste de l’inspiration et
l’envie de partager. Au-delà d’une belle représentation du yoga c’est, je
pense, également une représentation des femmes en général, plus fidèle à
la réalité que celle véhiculée par les médias.

Et si comme nous l’enseigne Patanjali dans les Yoga Sutras, nous arrêtions
de nous comparer les unes aux autres et devenions plus “Sorore” ?
Imaginez…si on arrêtait de se critiquer. Pour les kilos en trop, les poils, la
couleur de peau, la coupe de cheveux, le style vestimentaire, les choix des
unes et des autres etc.
Si au contraire, on se valorisait pour nos différences, si on se disait qu’on en vaut la peine. Si on arrêtait de voir chez l’autre ce que nous n’avons pas pour plutôt voir ce que l’on a d’unique.
Bref, si l’on décidait de se faire plus confiance et développions l’idée que nous sommes au bon endroit : là où nous devons être.

Aparigraha au quotidien
Believe in the process

Aparigraha, en nous invitant au non-attachement ou non-convoitise, nous invite à nous détacher du matériel, du passé, des émotions ou encore des attentes. La vie est en mouvement perpétuel, les journées, les années ne se ressemblent pas, des personnes arrivent sur votre chemin quand d’autres le quitte. Pour nous épanouir le plus possible, il serait bon
d’apprendre à approcher la vie sans trop d’attaches ni trop d’attentes. Car ce sont souvent ces attente qui, quand elles ne se réalisent pas, génèrent frustration et souffrance.

Bref, en lâchant prise, on se concentre davantage sur le moment présent et moins sur les regrets du passé ou l’angoisse du futur.
You’re amazing just the way you are :
Non, vous ne vous trompez pas, je m’inspire bien de Bruno Mars pour ce second point. Ce qui nous pousse à consommer, à vouloir toujours plus, c’est la comparaison avec les autres. Exemple : j’ai vu cette paire de
chaussures sur cette fille, si je les achète, cela me donnera l’impression d’être aussi cool qu’elle. Et avec les sollicitations du monde actuel, ce genre de schéma peut se répéter sans cesse. Résultat : nous voulons toujours plus, accumulons des biens non essentiels etc. Si l’on envisage les choses sous un autre angle, en se disant qu’on à déjà tout ce qu’il nous faut, on arrête de vouloir toujours posséder plus.
On se détache de l’avoir pour se recentrer sur l’être. Tout ce que vient en plus n’est que du bonus.
Go with the flow : Arrêtons de nous comparer. Arrêtons de nous créer nos propres barrières.
Pour le yoga par exemple, lorsque l’on bouge sur son tapis il est important
de se détacher du résultat final, de se détacher de la pratique des autres. Mes asanas ne sont pas parfaits ? Ce n’est pas bien grave. L’important est de pratiquer pour soi, d’apprécier chaque pratique pour ce qu’elle a à nous apprendre et de se laisser porter. Et si l’on réfléchit bien, cet exemple s’applique dans bon nombre de situations de la vie quotidienne.

Pour conclure

À travers cette démonstration, qui ne saurait détailler dans son exhaustivité les nombreuses facettes du concept d’Aparigraha, je souhaitais montrer en quoi le cercle vertueux qu’il représente peut-être bénéfique pour les femmes et les luttes qu’elles mènent.

Comment en lâchant prise, en se concentrant sur soi, on se détache peu à peu d’émotions néfastes comme la jalousie, l’envie ou la peur pour les remplacer par la bienveillance, l’acceptation, la confiance. Qu’en cultivant ces émotions positives, nous n’appréhendons plus, contrairement à ce que nous apprend la société, les femmes comme des rivales, mais bien comme des SŒURS. Des sœurs, des alliées, avec qui l’on construit des projets, avec qui l’on œuvre pour la liberté des femmes et avec qui, petit à petit, nous nous battons pour une société plus égalitaire.

Noémie Pitois
Formation Vinyasa Spirit 2020/2021 Urban.

Crédit images @SacréesFrangines tout droit réservés

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